La politique de santé reste (encore une fois !) le parent pauvre de la campagne présidentielle. Pourtant, jamais les inégalités de santé n’ont été aussi importantes, jamais la cohérence du système de soins n'a été aussi mal en point, jamais les hôpitaux ne se sont aussi mal porté. Il est grand temps d'y apporter des réponses efficaces, dont la plupart sont partagées dans les milieux spécialisés depuis longtemps, mais n'ont pas été appliquées faute de volonté politique.
La première inégalité est générationelle : le « déficit » de la Sécurité Sociale est un artefact lié au découplage entre dépense et financement. Il est inadmissible de reporter ce déficit sur les générations futures, via des emprunts faramineux, pour le plus grand bénéfice de quelques rentiers.
Les propositions de DLS : obliger l'ajustement des prélèvements sur les dépenses en interdisant dans une loi organique le report des déficits de l'assurance maladie, et imposant leur compensation dans l'année suivante.
Sous prétexte de « combler le trou de la sécurité sociale », une part croissante du financement a été transféré de l'assurance maladie obligatoire vers les complémentaires donc les assurés. Ainsi en est-il quand on fixe le taux de remboursement de médicaments reconnus inutiles à 35%, forçant ainsi les mutuelles à rembourser les 65% restant, ou de l'augmentation du forfait journalier hospitalier. Cette pratique, évitant toute réflexion de fond sur la pertinence des dépenses, permet de préserver les bénéfices des industriels tout en limitant la dépense socialisée. Elle accroît l'injustice sociale sans améliorer le service rendu en terme de santé.
Les propositions de DLS : Écrire dans une loi organique que les paramètres de régulation de l'économie de la santé doivent se référer à la dépense de santé totale, et non aux seules dépenses remboursées par l'assurance maladie.
Par ailleurs, un nombre croissant de dépenses sont transférées du domaine sanitaire vers le domaine médico social, essentiellement géré par les conseils généraux. Ceci génère une inégalité croissante, dans la mesure où :
les capacités contributives des différents départements sont très inégales, alors même qu'un certain nombre de besoins sont précisément liés au manque de ressources.
pour des raisons électoralistes, des conseils généraux sont portés à limiter drastiquement leur fiscalité.
DLS attire l'attention des observateurs sur l'intrication croissante des systèmes sanitaires, médico sociaux et sociaux, qui relèvent de budgets différents : assurance maladie, État ou impôts locaux. Des transferts sont de plus en plus souvent organisés d'un secteur à l'autre non dans un souci de rationalisation, mais pour répondre à un souci idéologique ou politicien de baisse de certaines catégories de prélèvements. Ceci est une raison de plus pour élargir la fiscalisation de la protection maladie dans un but d'unification de l'assiette de prélèvement et de la régulation.
La coopération entre les différents niveaux de ces interventions doit être systématisée.
Si l'égalité d'accès à la santé comporte depuis toujours une composante culturelle qu'il importe de chercher à réduire, une nouveauté est apparue dans le paysage sanitaire français depuis la mise en place du secteur 2, instaurant pour certains praticiens un droit à dépassement tarifaire non remboursé par l'assurance maladie. Cette large ouverture des droits à dépassement a eu lieu sans aucun encadrement à l'instant où les restrictions budgétaires ont amené les établissements publics à restreindre drastiquement leurs consultations externes. Par ailleurs, l'aggravation des disparités de rémunération et de conditions de travail entre secteur public et privé a entraîné la désaffection des praticiens hospitaliers. Il existe des secteurs sanitaires dans lesquels on assiste à la disparition quasi complète de certaines spécialités au tarif conventionnel, et une inégalité majeure dans l'accès aux soins.
Les propositions de DLS : Encadrer les possibilités de dépassements en nombre et en valeur
revaloriser les conditions d'exercice conventionné
diffuser largement et vérifier l'information concernant les conditions de remboursement
autoriser les associations de patients à agir devant le conseil de l'ordre et devant le Tribunal des Affaires Sociales
limiter le droit d'installation hors secteur 1, surtout quand il existe un déficit dans le secteur hospitalier et en secteur 1
Le médecin généraliste, qui devrait être l'organisateur de la santé de l'individu et l'intervenant de premier recours dans la plupart des domaines, n'a souvent actuellement ni les moyens ni les connaissances pour assumer l'intégralité de son rôle. Il est alors fait appel à un corps pléthorique de spécialistes mal coordonnés, aboutissant à une prise en charge parcellisée.
Les propositions de DLS : affirmer son rôle de pivot du système de santé en introduisant une part de capitation dans sa rémunération et en en faisant le coordonnateur du DMP , auquel il faut donner tout son rôle de fédérateur d'un réseau de soin autour du patient.
Favoriser l'apparition de maisons de santé , offrant des consultations et des soins de premier recours sur des plages horaires étendues (afin de soulager les services d'urgence), mais aussi un certain nombre de services de base (biologie, imagerie standard, santé mentale, personnels para médicaux, services médico sociaux).
Ces maisons de santé pourront résulter d'incitations conventionnelles, de créativité dans le mode de financement (échappant au financement à l'acte) et de partenariats novateurs entre les professionnels libéraux, le monde associatif et les collectivités locales.
Des mesures seront prises, notamment au plan de la formation initiale et de l'organisation des soins, pour améliorer progressivement la capacité de prise en charge de la médecine de premier recours, meilleur gage d'une prise en charge globale de l'individu, et ainsi limiter l'impact négatif d'une médecine d'organe spécialisée, coûteuse et peu efficace.
Autrefois soumis au carcan du budget global, les hôpitaux publics ou participant au service public ont été soumis à une tarification à l'activité agrémentée de tarifs irréalistes, alors qu'ils se trouvaient déjà dans un état de sous investissement, retard d'entretien et report de charges. Les conséquences de nombreuses réformes (par ailleurs légitimes) comme celles des 35 heures et du temps de garde médical n'ont pas été prises en compte à leur juste coût.
Dans ce cadre, la loi a imposé sur des arguments idéologiques dépourvus de toute logique économique une convergence entre les tarifs des établissements publics et privés, alors que tout démontre que ni l'activité, ni les patients ne sont comparables. Elle a également imposé la mise en commun des 2 enveloppes, ce qui a conduit à détourner vers les établissements privés la maigre marge de manoeuvre dégagée au niveau des objectifs de dépense hospitalière de l'assurance maladie, ainsi que les économies imposées aux établissements publics.
Par ailleurs, le principe d'une tarification purement à l'activité comporte un certain nombre de risques qui n'ont pas assez été pris en compte (sélection des patients, multiplications d'actes dont la pertinence n'est pas assurée) sans que des mécanismes de contrôle suffisants n'aient été anticipés.
En revanche, il n'a pas été activé de façon volontariste des mécanismes permettant de réorganiser un certains nombre de pratiques et d'organisations affectant la performance économique et médicale des établissements
Enfin, la description des patients par l'instrument du PMSI reste trop imparfaite pour qu'on puisse espérer décrire toute la difficulté de la prise en charge. Les composantes sociales qui alourdissent cette prise en charge ne sont pas prises en compte.
Les propositions de DLS : Abroger la loi imposant la convergence des tarifs publics et privés, séparer la régulation des deux enveloppes.
Compenser à due valeur les conséquences des modifications réglementaires imposées aux établissements.
Instaurer un compartiment finançant réellement la mission de service public, indépendamment du compartiment activité, et tenant compte des particularités des populations prises en charge.
La politique hospitalière des années 60-70 visait au développement d'établissements performants à la disposition de la population. Pour attirer des praticiens de qualité, on a mis en place une multitude de petites unités, qui sont petit à petit devenues des archipels de micro pouvoirs, occasions de toutes les dérives. L'incapacité du corps médical français à prendre en compte les perspectives de santé publique, confrontée à une administration jalouse de ses prérogatives, à aboutit à des établissements lieux de luttes intestines stériles, incapables de coopérer entre eux.
Les propositions de DLS : Faire en sorte que les hôpitaux publics se comportent comme les instruments d'une politique de santé publique de proximité, et non comme des entités autonomes jalouses de leurs prérogatives. Mettre en place des mécanismes rendant possible une véritable restructuration du fonctionnement des établissements, avec l'implication des personnels et en coordination avec le tissu sanitaire environnant.
Si de nombreux besoins sont encore aujourd'hui mal couverts, l'efficacité ou la pertinence de certaines dépenses restent mal étayées. La rationalisation de la dépense doit permettre la réaffectation de ressources aux besoins les plus criants, comme une prévention justifiée dans ses objectifs et ses moyens, ou une meilleure prise en charge de la santé bucco dentaire. Une attention toute particulière devra être portée à la justification de chaque engagement des ressources prélevées sur les cotisations des assujettis, et les principaux domaines de la dépenses seront réévalués et soumis à régulation.
La France étant un des premiers consommateurs de médicaments du monde, l'effort sera particulièrement orienté vers une baisse importante de la part du médicament dans la dépense de santé.
Une politique du médicament au service de la santé des français devra notamment se donner les moyens d'une expertise réellement indépendante de l'industrie et veiller à dégager de la tutelle de l'industrie pharmaceutique la recherche universitaire, les dispositifs de formation initiale et continue, l'information professionnelle, l'évaluation médicale, et les instruments de la politique de santé comme l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps).
La France n'arrive pas à se donner les moyens d'une politique de santé.
Une des principales raisons en est le cloisonnement des circuits d'information et de décision. On sait notamment la difficulté qu'a l'assurance maladie à consolider ses données, et l'impossibilité pour l'État d'en disposer pour piloter le système (illustrée par l'affaire du dépassement des objectifs des cliniques en 2006). Par ailleurs un certain nombre d'acteurs ne respectent pas les obligations d'information qui leur incombent, sans encourir de sanction (il en est ainsi du PMSI du secteur privé). Enfin, les établissements privés et publics facturent aux patients des prestations annexes qui alourdissent le coût du séjour sans figurer dans les comptes de la santé.
Les propositions de DLS : Obliger l'assurance maladie à se munir d'un système d'information unifié et efficace, fut-ce au prix d'une perte d'indépendance des différentes caisses de base, et à mettre l'ensemble de ses données à disposition de l'État
rendre la remontée d'information complète obligatoire effective pour tout ceux qui bénéficient de financements de la collectivité
assurer la cohérence de la remontée d'information des établissements de santé ( publics et privés) et des ARH vers les décideurs
simplifier le circuit des décisions concernant la politique conventionnelle et les décisions de remboursement
Une véritable politique de santé implique tout d'abord de s'attaquer résolument aux déterminants de la santé. Si les récents gouvernements ont su obtenir des résultats probants dans le domaine de la sécurité routière, en s'attaquant courageusement au lobby automobile, ils ont en revanche cédé sans gloire devant ceux du tabac, de l'alcool et de la malbouffe. On attend toujours que l'institut qui s 'occupe de la santé au travail devienne indépendant des industriels, que les « experts » de la politique du médicament ne dépendent plus des laboratoires pharmaceutiques, ou que les avis de l'industrie chimique ou nucléaire ne soient plus systématiquement prépondérants sur ceux des spécialistes de santé publique au niveau des arbitrages gouvernementaux.
Si nous en sommes arrivé là, c'est avant tout parce qu'il existe un problème de fond. Actuellement, la politique de santé se résume à la gestion d'un système de distribution des soins, dans lequel l'important est d'assurer la concertation avec les professionnels les plus influents pour éviter les vagues tout en limitant les sacro saint « prélèvements obligatoire ». Pourtant, l'importance que tous les Français accordent à la santé, affirmée de façon répétée dans de multiples enquêtes d'opinion, et le montant du budget de la santé, équivalent à celui de l'état, justifient d'autres ambitions. S'il est impossible de soigner les Français sans prendre l'avis des professionnels, leur avis doit rester subordonné à l'intérêt des citoyens. Celui-ci, pour prendre sa valeur, doit être organisé de façon volontariste. Dans le domaine de l'organisation de la santé, l'absence de connaissance et de réflexion de la nation, qu'il s'agisse non seulement des citoyens, mais aussi des décideurs, des partis politiques ou des médias est sidérante.
Les propositions de DLS : organiser l'intervention citoyenne à tous les niveaux de la décision dans le domaine de la santé.
Cela ne peut s'arrêter à la concertation avec quelques associations de malades, mais doit passer par la constitution d'un personnel politique spécifique et motivé, pouvant aller jusqu'à la mise en place d'institutions élues dédiées et décisionnaires.