L’utilisation des compétences médicales permettant à l’Etat d’assurer ses responsabilités dans le domaine de la santé au niveau local

Les médecins conseils


Rapport n° RM2006-140A
Septembre 2006

Jean-François BENEVISE et Alain LOPEZ
Membres de l’Inspection générale des affaires sociales

Personnes rencontrées par la mission :

Huber ALLEMAND, Marie-Noëlle BELLORINI, Michèle CARZON, Jacques HERLAULT ;
Jacques SAGNAT, Bernard TRUTT (ARH & MCR IDF)
Gilbert WEIL (MCR Alsace)
Charles CHANUT (MCR Paca)



COMMENTAIRES


(P = numéro de la page du rapport)

lexique

LMA : liquidation médico-administrative (?)
PC : praticien Conseil
SM : Service médical
TASS : Tribunal des Affaires Sanitaires et Sociales

- P4 « La principale raison serait liée aux conséquences d’une baisse d’effectifs (personnel administratif) sur les modalités de représentation des organisations syndicales au sein des instances représentatives. »

Aveux intéressant : la non rationalisation de la gestion des personnels non médicaux serait donc due à un obstacle syndical !

Par ailleurs, les locaux du service du contrôle médical sont mis à disposition par les CPAM et le personnel non médical du service est mis à disposition par les CRAM. Cette situation complique de façon importante la gestion du service et ne présente aucun avantage. Il faut que le service du contrôle médical, c'est-à-dire la Cnamts, ait la « main » sur les locaux et sur les personnels.
Enfin, les locaux accueillant des assurés « invités » à se présenter au contrôle médical doivent refléter la fonction et l’autorité de ce service. Nos locaux doivent pouvoir supporter la comparaison avec les locaux quotidiennement utilisés dans le système de soins par nos assurés.

- P4 : « Elle s’est traduite par la constitution de systèmes d’information particuliers dans chacun des services administratif et médical. Pourtant, cette grande liberté a longtemps fonctionné au détriment d’une liquidation médico-économique efficace, coeur et justification de ce métier.
Il faut noter que la liquidation médico-administrative n’acquiert sa réelle efficacité que depuis l’opposabilité des protocoles de soins, en fait depuis janvier 2006. »

Et oui ! C’est la « cata » totale, et l’impossibilité de faire de la LMA n’a absolument pas évolué ; et quel aveu  pour l’Assurance maladie ! En ce moment, la LMA sur les protocoles des soins c’est : repérage par requêtes (nationales) d’anomalies potentielles sur les ordonnances bizones ; un PC est chargé dans un secteur ou un département de confirmer ou pas cette anomalie ; pour cela, il regarde à quelle unité de gestion est rattachée l’assuré, contact le médecin conseil ad hoc, qui va faire sortir des archives papiers le protocole de soins afin d’objectiver l’anomalie. Une prescription inappropriée mais figurant sur le protocole de soins sans que le PC n’ai manifesté d’opposition, n’est pas considérée comme une anomalie.

- P4&5 : « Le service du contrôle médical estime que l’autonomie de gestion dont il bénéficie constitue une garantie, voulue par les pouvoirs publics, de l’indépendance technique qui doit être reconnue à tout médecin salarié, dans l’intérêt des assurés. » …/…
« En confiant systématiquement l’intégralité des responsabilités managériales à un médecin, on confond la compétence métier, base de l’indépendance technique et déontologique avec la fonction d’encadrement qui implique des compétences, une formation, une appétence qui ne peut être confiée à des médecins a priori sans comparaison avec d’autres profils. »

Oui absolument. D’autre part, l’indépendance technique ne doit pas servir de paravent à l’incompétence technique !

- P5 : Rapport IGAS cité : Bilan de la convention d'objectifs et de gestion 2000-2003 signée entre l’Etat et la CNAMTS et propositions pour la future convention : Emmanuèle Jeandet-Mengual, Isabelle Yeni, Marie-Ange Du Mesnil du Buisson, Frédéric Remay. :

« - Les outils du pilotage sont centrés sur des objectifs de moyens, ils mettent l’accent sur les procédures plus que sur les résultats.
- La comptabilité analytique ne permet pas d’extraire des coûts par activité en l’absence d’unité d’oeuvre ; elle permet uniquement de disposer d’une analyse d’activité.
- La multiplication des indicateurs risque de mener les services locaux à développer une « politique d’indicateurs » et non une politique réellement centrée sur des objectifs de résultats.
- La pluri-annualité est ignorée alors que sur la plupart des items de l’activité en santé publique elle se justifierait pleinement.
- Les outils informatiques dont dispose le service médical pour analyser et suivre son activité sont obsolètes sur le versant des activités de santé publique. Sur le versant des avis individuels sur prestations (AIP), le changement de logiciel de « MEDICIS » vers « HIPPOCRATE » devrait permettre une amélioration nette mais n’induira pas pour autant de changements organisationnels dans les processus de prise en charge de l’AIP, ce qui serait pourtant indispensable. Enfin ces outils sont dédiés au service médical et sans articulation avec les systèmes des caisses ; les transmissions entre caisses et services médicaux se font sous forme papier et impliquent une ressaisie des informations en local par les agents du service médical »

Depuis, la situation a évolué positivement ( !!!?) Le travail d’analyse des activités engagé en 2003 a abouti à une organisation des services selon les grands processus de gestion des risques, expérimentée en Rhône-Alpes et Nord-Pas-de-Calais, Picardie et en voie de généralisation ».

Bonne analyse mais rien n’a changé ! C’est la création des pôles ! On ajoute des strates de commandement là où il faudrait alléger le nombre de niveaux hiérarchique (Secteur, département, région et nation, 4 niveaux hiérarchiques auxquels s’ajoutent les chargés de mission et bientôt les pôles d’activités, pour un service de 2200/2500 Praticiens Conseils, c’est au moins un échelon de trop.). Il vaudrait mieux créer une politique de management s’appuyant sur des dirigeants compétents !

- P6 : « le fonctionnement des services médicaux apparaît excessivement centralisé, très hiérarchisé, notamment par comparaison avec ce qui prévaut au sein de la plupart des administrations publiques. Aucune note écrite du service ne sort sans avoir été vue et discutée avec le chef de service. Toute réunion doit avoir été préalablement acceptée par la hiérarchie.

Sans commentaire !

- P6 : « A la différence des MISP par exemple, les médecins conseils connaissent globalement leur charge de travail prévisionnelle.
Cette question est essentielle pour comprendre l’écart de pratiques et de conditions de travail avec celles des MISP. Pour ces derniers, l’éparpillement, l’incertitude et l’urgence dominent. Les médecins conseils à l’inverse connaissent l’étendue de leurs tâches, peuvent s’engager sur leurs réalisations et se voient même déchargés d’une partie de leurs responsabilités quand le respect du délai devient un enjeu pour l’institution. Au sein de l’assurance maladie, c’est l’organisme qui s’engage collectivement sur une tache. Si un impondérable survient (congé maladie, maternité etc.), le remplacement est assuré par le groupe. Vis-à-vis des médecins, ce système réduit la marge de négociation ou de liberté individuelle mais au final protège les médecins en ne leur confiant que ce qu’ils peuvent prendre en charge, et sans leur faire porter les carences de l’institution. »

Plaisanterie ?! Sauf à ne parler que des PC en ARH (et encore !), cette situation « idéale » existe peut-être dans les petits échelons où la charge de travail est modeste ; et encore vu le nombre de postes vacants, même dans ces sites les difficultés surgissent. Dans les échelons importants, on passe sans arrêt d’une urgence à l’autre. Pour les médecins ayant une unité de gestion pour les avis obligatoires, si on leurs demande de faire des entretiens confraternels, ou toute autre tâche différente des avis, c’est « en plus » ; personne ne va traiter leurs dossiers qui vont donc s’accumuler.

- P6 : « faute de doctrine collective suffisamment établie (dans les autres administrations) »

Mais quelle est donc la doctrine du Service Médical ?!

Lorsque le service perd une expertise dite technique, il faut une mobilisation extraordinaire pour aller au TASS pour défendre le point de vue de l’Assurance Maladie (ces deux dernières années je n’ai jamais vu un dossier aller au Tass à initiative du SM). Par exemple dans le cadre de la reconnaissance en ALD de la distinction entre HTA sévère et HTA non sévère, fondée sur les recommandations du Haut Comité Médical de la Sécurité Sociale, les refus du contrôle médical qui sont l’objet d’une expertise perdante pour l’Assurance Maladie, ne vont jamais au TASS ! La doctrine théorique de l’Assurance Maladie, fondée sur l’interprétation des 3° et 4° alinéa de l’article L 322-3 du CSS, n’est pratiquement jamais défendue en réalité ….

- P7 : « l’organisation concrète et quotidienne des travaux des praticiens conseil doit rompre définitivement avec le modèle historique hérité du cabinet médical libéral, et avec un rythme de travail scandé par la routine des procédures d’avis préalable et la convocation par vacations hebdomadaires d’assurés. Cette organisation archaïque, qui ne permet de mutualiser ni les moyens ni les savoirs, est profondément inadaptée aux nouvelles missions et aux nouveaux métiers du service médical. Par ailleurs elle ne permet aucun gain de productivité du côté des agents administratifs, qui sont répartis en micro unités, deux secrétaires environ pour un praticien »

Excellent ! Il faut repenser entièrement le contrôle des avis individuels (R2A)

- P7 : « Les directeurs régionaux craignent actuellement de perdre une large part de leurs marges de manoeuvre et s’interrogent sur leurs capacités à maintenir un équilibre entre des activités développées au sein des différentes instances locales auxquelles ils participent et les consignes d’homogénéisation des pratiques et donc des choix de priorités qui leurs sont transmis par le niveau central.

Vrai changement dû au nouveau Directeur et c’est tant mieux ! Dans l’idéal, il faudrait certainement une très grande autonomie régionale. Mais nous sommes très loin de l’idéal.

- P7 : « Chaque action nouvelle est précédée d’un groupe de travail cadrant la mise en oeuvre, …/…. Ainsi, les praticiens conseils affectés dans les équipes d’échanges confraternels doivent avoir été préalablement formés pour chacun des thèmes retenus ».

Absolument n’importe quoi ! C’est globalement faux et lorsque cela est pratiqué on est dans l’amateurisme complet !
Concernant les entretiens confraternels, je suggère un arrêt immédiat, car ils sont inefficaces, chronophages, peut-être contre-productifs. Le service ne maîtrise pas la compétence médicale et en communication des Praticiens Conseils, ni le contenu réel de ces entretiens, et est incapable de prouver son efficacité, alors qu’une abondante bibliographie internationale laisse penser que les conditions minimales d’efficacité de « la visite académique » («academic detailing») ne sont pas réunies. Pour le moment, les Déléguées de l’Assurance Maladie (DAM) sont certainement plus opérationnelles.

- P8 : « L’assurance maladie semble désormais décidée à se rapprocher d’un modèle d’organisation plus proche de celui qui prévaut au sein des établissements hospitaliers ou dans les cabinets de groupe. Ce changement structurel aussi important sur un plan symbolique que financier par les gains de productivité qu’il génère, devra être accompagné par des mesures de déconcentration des responsabilités et prendre appui sur le changement de générations. »

Incitation à la méthode Coué ?

- P8 : « 245 médecins incluant les fonctions de médecin conseil national les médecins conseils régionaux et leurs adjoints et les chefs de service ou de secteur dans les échelons locaux. »

Suggestion : Organiser un audit externe d’évaluation des compétences des principaux cadres dirigeants du service médical.
Les cadres dirigeants qui ne conviendraient plus devraient être remplacés par des recrutements extérieurs placés directement à différents niveaux hiérarchiques ; leur formation doit être en adéquation avec les besoins en matière de gestion d’équipes, de budgets, d’objectifs ; bref la qualification médicale ou pharmaceutique ne doit pas être le critère principal de recrutement du management.
Il n’est pas concevable de rendre opérationnel le service médical avec son encadrement actuel, fait de Praticiens conseils (PC) chefs de service recrutés voilà 20 ou 25 ans et qui ont ensuite progressé à l’intérieur du service sur des aptitudes qui n’évoquent pas immédiatement la compétence en matière de management ou de médecine.

- P10 : « le contrôle médical produit des chiffres d’évaluation, par croisement de données de comptabilité analytique et d’activité. Ainsi, pour les ALD, le rapport d’activité estime que le travail des médecins conseils induirait une économie annuelle de 0,5 M€ par médecin en équivalent ETP ».

Pure spéculation !  Comptabilité analytique et rapport activité sont tout sauf justes ! Lorsque je suis arrivé au Service médical, une des premières manipulations que mon « tuteur » m'a montré, c’est comment faire un « copier/coller » pour la comptabilité analytique (CA) mensuelle. Il y a même parfois des instructions particulières pour « bidouiller » la CA en transformant une réunion en production d’avis, même pour les médecins n’étant pas affectés à la production d’avis !

- P11 : l’article 101 (du code de déontologie médical) relatif à l’obligation de récusation :
« Lorsqu'il est investi de sa mission, le médecin de contrôle doit se récuser s'il estime que les questions qui lui sont posées sont étrangères à la technique proprement médicale, à ses connaissances, à ses possibilités ou qu'elles l'exposeraient à contrevenir aux dispositions du présent code »

M’estimant totalement incompétent pour les questions d’appareillages, j’ai tenté de me récuser et d’attirer l’attention de ma hiérarchie (par écrit) sur la problématique « appareillage », véritable bombe financière à retardement à mon avis. Je n’ai pas eu de réponse pertinente en dehors de « c’est facile, faites le », et je n’ai jamais vu, ni donné d’avis négatif sur l’appareillage.

- P13 : législatifs. Longtemps cantonnés sur des avis individuels sollicités par les assurés et sur le flux desquels ils n’avaient aucune maîtrise

On n’a toujours aucune maîtrise des flux ! Et ces flux sont de nature industrielle alors que « l’organisation » est artisanale.

- P13 : « Bien qu’il constitue la base des missions du contrôle médical, l’assurance maladie est partagée entre l’habitude des praticiens à le mettre en oeuvre, en pendant de l’exercice soignant, et la perception statistique d’une focalisation excessive de ses ressources sur un champ en fin de compte peu efficace, car consommateurs de ressources importantes pour un effet certes dissuasif mais souvent provisoire et généralement dénué d’impact significatif sur la masse des dépenses. »

Ce sujet est fondamental et cette assertion mériterait d’être développée et prouvée. Elle vient de ceux qui défende une clé de répartition « santé publique »/ avis individuel de 2/3 – 1/3.

- P15 : « atteindre les 2/3, en lieu et place du temps antérieurement dédié aux avis individuels. Pour ces derniers, les ALD demeurent essentielles, comme reconnaissance d’un droit et autre exemple d’évaluation des pratiques des professionnels. »

Mais les ALD sont la variable d’ajustement du temps de travail des Praticiens conseils !

- P15 : « Leur implantation territoriale, leur disponibilité pour investir de nouveaux domaines, la fiabilité de leur organisation, sont autant d’atouts qu’ils ont su faire reconnaître par les directeurs d’agences. »

On croit rêver non ? (Les inspecteurs de l’IGAS ont du abuser de l’hospitalité Cnamts ?)

- P19 : « le niveau national se fait de plus en plus directif vis à vis du réseau ; traditionnellement centralisé, le pilotage ne laisse désormais plus aucune marge d’initiative au local, au risque de déresponsabiliser et de perdre des idées originales ou les plus pertinentes »

Des exemples d’idées originales et pertinentes ? Là aussi il faudrait analyser le couple idéal/réalité.

- P20 : « La situation pouvait s’avérer encore plus délicate pour le contrôle des professionnels de santé, vu le nombre de médecins conseils personnellement liés avec des libéraux. »

Mais qu’est-ce que cela vient faire ici ?

- P20 : « Elle ne pourra produire ses pleins effets que lorsque les postes vacants auront été pourvus. »

Ce n’est pas pour demain !

- P23 : « Le plus important à terme pour l’institution est de pouvoir renforcer ses recrutements en personnes susceptibles de prendre des responsabilités alors que les réticences sur ce plan sont importantes pour beaucoup d’entre eux. ».

Alors là,  c’est tout simplement délirant ce voir cela écrit !

- P27 : « Parmi les modalités permettant de nourrir ces deux actions, il faut souligner la pratique de revue de dossiers dans chaque ELSM, effectuée trois fois par an, hors hiérarchie qui vise à réviser les pratiques, les confronter et les harmoniser entre pairs. Et pris comme exemple pour le ministère ! »

Et be … Ceux qui écrivent cela n’ont certainement jamais assisté à une revue de dossier, et doivent avoir une idée approximative de ce qu’est la formation continue professionnelle efficace. Avoir « vendu » cela au ministère est certainement un exploit à valoriser en tant que tel.