Gynécologie
médicale versus Médecine générale ?
Médecin
généraliste, je partage avec beaucoup de gynécologues,
et plus encore avec beaucoup de femmes signataires de la pétition
sur la gynécologie médicale, une communauté de
valeurs : humanisme et féminisme, refus d'un certain pouvoir
médical archaïque et d’une vision techniciste de la
médecine. Et aussi une communauté de référence
à des combats comme ceux du planning familial, de
l’avortement, de la contraception. Ces combats exemplaires des
années 70 servent d'exemples aux combats actuels, qu'il
s'agisse du recul pernicieux de certains acquis comme en matière
de contraception, d'étranglement des centres IVG, ou, de
problématiques "nouvelles" comme l'accès aux
soins, ou la prise en charge des toxicomanes.
Aujourd'hui,
je voudrais dire mon désaccord total avec le fond des
revendications de la gynécologie médicale, qui inaugure
un nouveau type de corporatisme : le corporatisme "générationel"
des femmes de plus de 50 ans, “vétérantes“ de Mai
68. Journalistes, enseignantes, ministres, écrivains, mais
toutes “copines“, elles vivent comme une régression des
acquis de leurs luttes d’antan, le fait que, comme dans tout les
pays développés, la gynécologie "courante"
soit de la compétence du médecin généraliste,
ignorant ainsi l'évolution du paysage sanitaire et culturelle
depuis la fin des années 80.
Il
existe moins de 2000 gynécologues médicales mais 60 000
médecins généralistes, pour environ 30 millions
de femmes dans notre pays. La conséquence de cela est simple :
les gynécologues ne peuvent pas suivre toutes les femmes ;
inéluctablement une sélection se fait sur des critères
financiers, géographiques et culturels. Si c’est cela
qu’elles veulent, pourquoi ne pas le dire clairement ?
Par
ailleurs, une minorité de généralistes
pratiquent la gynécologie. Comme pour la pédiatrie, les
raisons sont multiples et complexes. La mission des gynécologues
médicaux et celles des généralistes pratiquant
la gynécologie médicale est en terme de santé
publique la même. Il s'agit de "soins primaires"
c'est à dire d'une médecine de proximité,
durable dans le temps, facilement accessible, incluant la prévention
et le soins, l'information et l'éducation, etc…
En
supposant que les gynécologues médicaux soient plus
compétents que les généralistes pratiquant la
gynécologie, et que l'objectif soit que toutes les
femmes puissent avoir accès à une médecine de
qualité, la multiplication par cinq du nombre de gynécologues
ne serait pas suffisante, alors que de toutes façons, cette
augmentation serait impossible matériellement, politiquement
et économiquement.
Mais
existe-il une différence de compétence entre les
généralistes pratiquant la gynécologie et les
gynécologues exerçant en "soins primaires" la
gynécologie ? Je met au défi quiconque de le prouver de
façon documentée, en France comme sur le plan
international ! La compétence d'un praticien, qu'il soit
généraliste ou spécialiste, est un tout dans
laquelle la formation initiale est d'autant plus faible qu'il est
loin de ses études. Il n'existe plus de formation spécialisée
en gynécologie médicale depuis 14 ans ; qui peux
affirmer sans rire que la compétence actuelle d'un gynécologue
médicale soit liée à ses études d'il y a
14 ans pour les plus jeunes d'entres eux !?
Que
cela soit par rapport au savoir biomédical, aux qualités
relationnelles, à la durée de la consultation, aux
conseils pratiques, comme à la technique qui par exemple pour
les frottis de dépistage ne nécessite même pas
d'être docteur, il n'existe ni plus ni moins de mauvais
gynécologues médicaux que de mauvais généralistes
pratiquant la gynécologie !
Dire
qu'un gynécologue, parce qu'il ou qu'elle est gynécologue,
va être plus doux, plus disponible, plus attentif qu'un
généraliste est simplement idiot avant d'être
diffamatoire.
Dire
qu’en France on dépiste mieux les cancers du seins et qu’on
enlève moins abusivement les utérus, parce qu’il
y a des gynécologues médicaux est scientifiquement
insensé.
Dire
que les dépassements d'honoraires fréquemment pratiqués
par les gynécologues, sont synonymes d'un exercice de
meilleurs qualité ou d'une compétence supérieure,
est une escroquerie !
Une
femme, comme un homme peux préférer être examinée
par une femme … ou bien par un homme. Elle peux aussi préférer
aborder ses problèmes de gynécologie avec un autre
praticien que son médecin de famille, notamment pour les
adolescentes et les très jeunes femmes. Quoi de plus normal ?
Personne ne propose la remise en cause de cette liberté
cardinale de choisir son médecin. Mais cela n'a rien à
voir avec la compétence ou la qualité du médecin.
Une adolescente peux très bien aller voir un autre médecin
généraliste pratiquant la gynécologie, plutôt
que de consulter son médecin généraliste
habituel !
L'option
conventionnelle "Médecin référent",
repose sur une double clé fondée sur le volontariat :
il faut que le généraliste soit volontaire, il faut que
l'assuré social soit volontaire ; de plus, cela ne dure qu'un
an et peux être rompu à tout moment ! Affirmer que le
volontariat va devenir une obligation, cela relève du pur
procès d'intention. De plus la mise en place de cette option
est sous tendue par les mêmes valeurs que celles évoquées
en introduction. L'Ordre des médecins qui fut notamment contre
la contraception, l'IVG, la prise en charge des toxicomanes, n'est-il
pas d'ailleurs opposé à cette option ?
Camarades
gynécologues et chères consœurs, pour tout ce que vous
avez fait on vous aime, bravo et merci ! Mais il faut prendre
garde à la signification politique des combats que l'on mène.
Quelles sont les gynécologues médicaux dans les grandes
villes qui pratiquent des honoraires conventionnés (150
francs), qui prescrivent des pilules remboursées ? Combien
d'entres eux refusent que leur formation continue soient payée
par l'industrie pharmaceutique ? Quelle est le profil socioculturel
de leurs patientes ?
Il
faut en finir avec ces combats d'arrière garde. La qualité
de la médecine de demain passe nécessairement par la
pluridisciplinarité, et nous avons besoins de gynécologie
médicale comme de toutes les autres spécialistes.
L'urgence
c’est que toutes les femmes puissent être correctement
suivies, et pour cela, il faut d'inciter et former le maximum de
généralistes à la pratique de la gynécologie.
L'urgence,
c’est de défendre une politique des actions de santé
de proximité capable de résister au complexe
hospitalo-industriel qui gangrène notre pays.
L’urgence
c’est de redonner du sens au dispositif sanitaire et aux mots
solidarité et égalité.
Didier
Seyler
Médecin
Généraliste
publié dans Le Quotidien du Médecin N°6988 du 15/10/2001